Un cinquième gouvernement en vue : la Ve République en proie à l’épuisement
François Bayrou à l’Assemblée national
Paris, le 8 septembre 2025. Pour la quatrième fois du quinquennat, un gouvernement vient de tomber : François Bayrou a été désavoué par l’Assemblée nationale. Emmanuel Macron doit désormais nommer un cinquième Premier ministre en moins de cinq ans, symptôme d’une Ve République essoufflée. Une instabilité qui nourrit l’épuisement du pays et fait planer des périls politiques autant qu’économiques.
François Bayrou n’aura pas survécu au couperet de l’Assemblée nationale. Par 364 voix contre 194, les députés ont refusé d’accorder leur confiance au Premier ministre, scellant la chute de son gouvernement. Le chef du MoDem s’apprête à présenter sa démission à Emmanuel Macron, lequel devra désigner un nouveau locataire pour Matignon. Ce sera le cinquième gouvernement en un seul quinquennat : une situation inédite sous la Ve République, et qui suscite un sentiment grandissant d’épuisement national. Lorsque le général de Gaulle conçut la Ve République en 1958, son objectif était clair : tourner la page de l’instabilité chronique de la IVe République, où 24 gouvernements se succédèrent en douze ans. Le nouveau régime devait être un roc, un système capable de garantir la continuité de l’action publique.
Or, les convulsions de l’actuel quinquennat semblent marquer une régression. Certes, les institutions tiennent encore debout, mais elles ne parviennent plus à éviter la fragmentation ni la versatilité. L’opinion, elle, ne se contente plus d’être inquiète : elle est épuisée. Épuisée par la succession des Premiers ministres, par les promesses de réformes aussitôt annulées, par la valse des ministres à Matignon. Épuisée de constater que la politique se réduit trop souvent à des manœuvres de couloir et des votes stériles.
Le spectre de Weimar et les dangers du désordre
L’histoire européenne offre des avertissements sévères pourtant. La République de Weimar, en Allemagne (1919 - 1933), connut vingt et un gouvernements en quatorze ans. Cette instabilité permanente, doublée de la crise économique, sapa la confiance des citoyens et ouvrit un boulevard aux extrêmes. À gauche, le Parti communiste rejetait le jeu parlementaire et appelait à l’insurrection, persuadé que la chute du régime bourgeois était inévitable ; à droite, le NSDAP exploitait la lassitude populaire en promettant ordre et autorité. Entre ces deux pôles, les partis modérés s’effritaient, incapables de bâtir une coalition durable.
La France d’aujourd’hui n’est certes pas l’Allemagne des années 30, mais certains observateurs relèvent des résonances troublantes. Ainsi, La France insoumise revendique ouvertement une “révolution citoyenne” et considère la Ve République comme un régime en fin de course. Chaque chute de gouvernement est interprétée comme la preuve d’un système épuisé. Sans appeler au chaos, les insoumis assument une stratégie de rupture qui, de facto, prospère sur la crise institutionnelle. À l’heure où j’écris ces lignes, Jean-Luc Mélenchon a déjà exigé la démission de Macron. Cette posture, héritière de vieilles traditions révolutionnaires, contribue à nourrir le climat de lassitude et renforce l’idée que la démocratie parlementaire n’est plus qu’un théâtre impuissant.
Des risques multiples pour la France
À court terme, l’instabilité compromet le calendrier budgétaire. La France doit présenter son projet de loi de finances et de financement de la sécurité sociale d’ici l’automne. Or, sans majorité claire, chaque ligne de ces textes deviendra champ de bataille, risquant de retarder ou d’édulcorer les réformes indispensables. À moyen terme, l’image du pays en souffre. Les partenaires européens, les investisseurs internationaux et les agences de notation observent avec inquiétude un exécutif qui se recompose au gré des crises. Une telle versatilité peut entraîner un renchérissement de la dette, un affaiblissement de la signature française et une érosion de la confiance dans la parole publique.
Enfin, sur le plan démocratique, le danger est plus insidieux : la lassitude populaire. Car la France ne se contente plus d’être inquiète : elle est épuisée. Épuisée par la valse des ministres. Épuisée par les promesses sans lendemain. Épuisée par les débats sans issue. Épuisée de voir les gouvernements tomber comme des dominos, sans qu’aucun ne parvienne à imprimer sa marque ni à répondre aux attentes profondes de la Nation. Cet épuisement collectif nourrit un désenchantement qui, à terme, menace le lien civique lui-même.
Une République au bord de la lassitude
Avec quatre gouvernements déjà tombés et un cinquième en gestation, le second mandat d’Emmanuel Macron entre dans l’Histoire comme l’un des plus instables de la Ve République. À l’heure où la France doit faire face à des défis économiques, sociaux et géopolitiques d’une ampleur considérable, cette valse ministérielle illustre l’impasse institutionnelle dans laquelle le pays semble enlisé. La République française, “solide comme un bloc de granit” selon le vœu du général de Gaulle, découvre à son tour les fissures de l’instabilité. Reste à savoir si ce cinquième gouvernement saura incarner le sursaut attendu, ou si le pays s’enfoncera plus avant dans une fatigue démocratique qui ouvre la voie à toutes les désillusions.
Le monde va bien, paraît-il.